Caricature :
Serge Chapleau / La Presse 6 juin 2020
Le ministre
de l’Administration gouvernementale et président du Conseil du Trésor,
Christian Dubé était extrêmement frustré que l’opposition rejette le beau
projet de loi 61 concocté par le Coalition avenir Québec – une étape importante
vers une gestion économique dictatoriale, c’est-à-dire sans entrave et avec le
minimum de consultation (1).
À la suite de
cet échec son discours s’est teinté de chantage émotif et politique quasi
vindicatif :
«Ce n’est pas à nous que l’opposition a dit
non. Ils viennent de dire non aux Québécois, aux Québécois qui sont en chômage.
Est-ce qu’ils sont au courant qu’on est dans une crise?»
«On a refusé aux Québécois une façon
différente de regarder comment on peut mieux travailler pour réduire les
délais. Oubliez ça la ligne [de métro] bleue, oubliez ça!»
L’opposition
ne disait pas non à la relance économique, mais à la méthode antidémocratique
de la mener.
Photoquotes :
Journal Le Revoir, média satirique.
Un site à
visiter, c’est hilarant https://twitter.com/journallerevoir?lang=fr
La recette existe déjà pour accélérer
les évaluations environnementales, même sans PL61
Pour les
projets du REM et de l'échangeur Turcot, les promoteurs ont obtenu des
autorisations plus rapides en finançant l'ajout de ressources au ministère de
l'Environnement. Et avec beaucoup de pression politique, rappellent les
fonctionnaires.
Pour le REM, le promoteur CDPQ-Infra a
financé une équipe de fonctionnaires pour suivre l’évolution de dossier, nous a
confirmé le gouvernement. Un moyen aussi utilisé par les promoteurs du nouvel
échangeur Turcot pour accélérer les choses.
Quelque cinq fonctionnaires ont ainsi pu se
concentrer exclusivement à l'évaluation du projet du REM, grâce à une entente
avec le ministère de l'Environnement du Québec.
Projet de loi 61 : la première grande
défaite de la CAQ
Le
gouvernement de la Coalition avenir Québec vient de subir sa première grande
défaite depuis son élection. Celle-ci n'est pas le fait de l’opposition
parlementaire, mais de la société civile. Et, pour le gouvernement, cela est
considérablement plus sérieux, et les effets seront plus durables.
Les partis d’opposition ont certes fait leur
travail, mais c’est une société civile unanime qui, à la commission
parlementaire, aura fait reculer le gouvernement.
En fait, le gouvernement ne s’est même pas
méfié : il a présenté un projet de loi lui donnant des pouvoirs tout à fait
démesurés pour la réalisation de 202 projets de relance économique. Il
s’agissait tout simplement de démanteler un autre contre-pouvoir, comme il
l’avait fait plusieurs fois depuis le début de son mandat.
Sauf que le projet de loi 61 était si exagéré
que ceux qui se sont présentés à la commission parlementaire étaient unanimes
pour dire que les pouvoirs demandés venaient saboter les mécanismes de contrôle
essentiels dans une démocratie parlementaire. Et surtout, que le gouvernement
n’en avait nul besoin pour réaliser son programme de relance économique.
Une structure d’incitatifs qui risque
d’aggraver la corruption
Le
gouvernement veut s’émanciper des contrôles bureaucratiques habituels pour
accélérer le plus possible la reprise de l’économie québécoise. Cet objectif
est peut-être louable. Mais le moyen déployé pour y arriver est dangereusement
disproportionné. Au nom de l’efficacité et de la liberté de gestion, le projet
de loi 61 confère d’importants pouvoirs au gouvernement. Le problème est qu’en
contrepartie, aucune garantie crédible n’est offerte sur le plan de la
transparence et de l’imputabilité. Dans un projet de loi qui compte des
dizaines de pages pour décrire les nouveaux pouvoirs dont s’arrogent
l’exécutif, à peine neuf lignes contenues dans un seul article (29) sont consacrées
à la reddition de comptes.
Le ministre de l'Environnement accusé
d'être «la boniche des promoteurs»
L'opposition
est vent debout contre la directive faite aux fonctionnaires du ministère de
l'Environnement d'agir «comme s'ils étaient les promoteurs».
Radio-Canada révélait, vendredi matin,
l'existence d'une directive qui enjoint aux fonctionnaires du ministère de
l'Environnement d'opérer «un changement de culture».
«Il ne faut pas être vus comme ceux qui
veulent empêcher la réalisation des projets», dit le sous-ministre Marc Croteau
dans cette communication interne datée du 25 février.
Benoit Charette n'a pas souhaité
répondre aux attaques de Québec solidaire, mais en entrevue à Radio-Canada, il
confirme et partage ce «changement de culture». «C'est un des mandats qui a été
confié au sous-ministre», explique-t-il. «Il faut améliorer le service à la clientèle
auprès des promoteurs.»
Le controversé projet de loi, déposé mercredi, pour
accélérer la relance économique, concrétise la vision du ministre et de son
sous-ministre en venant alléger et assouplir l'évaluation environnementale pour
les promoteurs.
L'organisme
Nature Québec pense que le ministère de l'Environnement "utilise la crise
sanitaire actuelle" comme «excuse pour assouplir les règles». Plusieurs
groupes écologistes sont d'ailleurs montés au front.
La CAQ perd une bataille politique
Le gouvernement du Québec comme
entrepreneur minier
Le Saint-Laurent souffre déjà du
réchauffement climatique
Le plan nord, version 2.0
(1) La Coalition
avenir Québec a toujours défendu des politiques conservatrices de centre droit
: réduction de la taille de l'État, nettoyage des finances publiques, abolition
de certaines institutions, grande ouverture au secteur privé, création d’une
économie de propriétaires, etc. Les ministres n’aiment pas les syndicats. Bref,
il s’agit d’une formation politique à la Thatcher / Reagan ou Mulroney / Institut Fraser ou Donald Trump
: le développement économique passe par la
privatisation et le démantèlement des services publics. Les électeurs qui ont
voté pour la CAQ ont dû croire qu’un gouvernement constitué d’économistes et de
spéculateurs les aideraient à devenir riches du jour au lendemain. Malheureusement,
ce système fonctionne au mérite.
Quant à la protection de l’environnement, la CAQ a ouvert les portes à l’exploitation
minière, gazière et pétrolière à la grandeur de la province. Pour une poignée
de redevances, la CAQ déroule le tapis bleu et au diable les émissions de gaz à
effet de serre et la protection du milieu, la sauvegarde des terres agricoles,
des rives du fleuve, etc.
Pourquoi
héritons-nous de tels dirigeants? «L’une des raisons est la manière dont
les multinationales squattent depuis des décennies le système éducatif
canadien. Les universités forment les cerveaux dont l’économie capitaliste a
besoin. Comment espérer voir surgir des dirigeants pleins de sagesse dans un
pays où les écoles enseignent ce que le pouvoir politique leur enjoint
d’enseigner?» (Nancy Huston; BRUT, Lux Éditeur, 2015)
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