14 juin 2020

Synthèse du projet de loi 61

Caricature : Serge Chapleau / La Presse 6 juin 2020

Le ministre de l’Administration gouvernementale et président du Conseil du Trésor, Christian Dubé était extrêmement frustré que l’opposition rejette le beau projet de loi 61 concocté par le Coalition avenir Québec – une étape importante vers une gestion économique dictatoriale, c’est-à-dire sans entrave et avec le minimum de consultation (1).

À la suite de cet échec son discours s’est teinté de chantage émotif et politique quasi vindicatif :
   «Ce n’est pas à nous que l’opposition a dit non. Ils viennent de dire non aux Québécois, aux Québécois qui sont en chômage. Est-ce qu’ils sont au courant qu’on est dans une crise?»
   «On a refusé aux Québécois une façon différente de regarder comment on peut mieux travailler pour réduire les délais. Oubliez ça la ligne [de métro] bleue, oubliez ça!»

L’opposition ne disait pas non à la relance économique, mais à la méthode antidémocratique de la mener.

Photoquotes : Journal Le Revoir, média satirique.
Un site à visiter, c’est hilarant https://twitter.com/journallerevoir?lang=fr

La recette existe déjà pour accélérer les évaluations environnementales, même sans PL61
Pour les projets du REM et de l'échangeur Turcot, les promoteurs ont obtenu des autorisations plus rapides en finançant l'ajout de ressources au ministère de l'Environnement. Et avec beaucoup de pression politique, rappellent les fonctionnaires.
   Pour le REM, le promoteur CDPQ-Infra a financé une équipe de fonctionnaires pour suivre l’évolution de dossier, nous a confirmé le gouvernement. Un moyen aussi utilisé par les promoteurs du nouvel échangeur Turcot pour accélérer les choses.
   Quelque cinq fonctionnaires ont ainsi pu se concentrer exclusivement à l'évaluation du projet du REM, grâce à une entente avec le ministère de l'Environnement du Québec.


Projet de loi 61 : la première grande défaite de la CAQ
Le gouvernement de la Coalition avenir Québec vient de subir sa première grande défaite depuis son élection. Celle-ci n'est pas le fait de l’opposition parlementaire, mais de la société civile. Et, pour le gouvernement, cela est considérablement plus sérieux, et les effets seront plus durables.
   Les partis d’opposition ont certes fait leur travail, mais c’est une société civile unanime qui, à la commission parlementaire, aura fait reculer le gouvernement.
   En fait, le gouvernement ne s’est même pas méfié : il a présenté un projet de loi lui donnant des pouvoirs tout à fait démesurés pour la réalisation de 202 projets de relance économique. Il s’agissait tout simplement de démanteler un autre contre-pouvoir, comme il l’avait fait plusieurs fois depuis le début de son mandat.
   Sauf que le projet de loi 61 était si exagéré que ceux qui se sont présentés à la commission parlementaire étaient unanimes pour dire que les pouvoirs demandés venaient saboter les mécanismes de contrôle essentiels dans une démocratie parlementaire. Et surtout, que le gouvernement n’en avait nul besoin pour réaliser son programme de relance économique.


Une structure d’incitatifs qui risque d’aggraver la corruption
Le gouvernement veut s’émanciper des contrôles bureaucratiques habituels pour accélérer le plus possible la reprise de l’économie québécoise. Cet objectif est peut-être louable. Mais le moyen déployé pour y arriver est dangereusement disproportionné. Au nom de l’efficacité et de la liberté de gestion, le projet de loi 61 confère d’importants pouvoirs au gouvernement. Le problème est qu’en contrepartie, aucune garantie crédible n’est offerte sur le plan de la transparence et de l’imputabilité. Dans un projet de loi qui compte des dizaines de pages pour décrire les nouveaux pouvoirs dont s’arrogent l’exécutif, à peine neuf lignes contenues dans un seul article (29) sont consacrées à la reddition de comptes.

Le ministre de l'Environnement accusé d'être «la boniche des promoteurs»
L'opposition est vent debout contre la directive faite aux fonctionnaires du ministère de l'Environnement d'agir «comme s'ils étaient les promoteurs».
   Radio-Canada révélait, vendredi matin, l'existence d'une directive qui enjoint aux fonctionnaires du ministère de l'Environnement d'opérer «un changement de culture».
   «Il ne faut pas être vus comme ceux qui veulent empêcher la réalisation des projets», dit le sous-ministre Marc Croteau dans cette communication interne datée du 25 février.
   Benoit Charette n'a pas souhaité répondre aux attaques de Québec solidaire, mais en entrevue à Radio-Canada, il confirme et partage ce «changement de culture». «C'est un des mandats qui a été confié au sous-ministre», explique-t-il. «Il faut améliorer le service à la clientèle auprès des promoteurs.» 
Le controversé projet de loi, déposé mercredi, pour accélérer la relance économique, concrétise la vision du ministre et de son sous-ministre en venant alléger et assouplir l'évaluation environnementale pour les promoteurs.
   L'organisme Nature Québec pense que le ministère de l'Environnement "utilise la crise sanitaire actuelle" comme «excuse pour assouplir les règles». Plusieurs groupes écologistes sont d'ailleurs montés au front.

La CAQ perd une bataille politique


Le gouvernement du Québec comme entrepreneur minier

Le Saint-Laurent souffre déjà du réchauffement climatique

Le plan nord, version 2.0


(1) La Coalition avenir Québec a toujours défendu des politiques conservatrices de centre droit : réduction de la taille de l'État, nettoyage des finances publiques, abolition de certaines institutions, grande ouverture au secteur privé, création d’une économie de propriétaires, etc. Les ministres n’aiment pas les syndicats. Bref, il s’agit d’une formation politique à la Thatcher / Reagan ou Mulroney / Institut Fraser ou Donald Trump : le développement économique passe par la privatisation et le démantèlement des services publics. Les électeurs qui ont voté pour la CAQ ont dû croire qu’un gouvernement constitué d’économistes et de spéculateurs les aideraient à devenir riches du jour au lendemain. Malheureusement, ce système fonctionne au mérite. Quant à la protection de l’environnement, la CAQ a ouvert les portes à l’exploitation minière, gazière et pétrolière à la grandeur de la province. Pour une poignée de redevances, la CAQ déroule le tapis bleu et au diable les émissions de gaz à effet de serre et la protection du milieu, la sauvegarde des terres agricoles, des rives du fleuve, etc.

Pourquoi héritons-nous de tels dirigeants? «L’une des raisons est la manière dont les multinationales squattent depuis des décennies le système éducatif canadien. Les universités forment les cerveaux dont l’économie capitaliste a besoin. Comment espérer voir surgir des dirigeants pleins de sagesse dans un pays où les écoles enseignent ce que le pouvoir politique leur enjoint d’enseigner?» (Nancy Huston; BRUT, Lux Éditeur, 2015)

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