2 juin 2012

Le troisième acte

Émouvante vidéo – on voit qu’elle pense et ressent ce qu’elle dit : 
http://www.ted.com/talks/jane_fonda_life_s_third_act.html

Étrangement, c’est exactement le ton que je veux privilégier dans mon prochain blog : créer, construire, à l’intérieur même de la transformation qui fait parfois figure de démolition.

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Transcriptions : TED.com

Le troisième acte de la vie
Jane Fonda, décembre 2011
Il y a eu de nombreuses révolutions au cours du siècle dernier, mais peut-être bien aucune aussi significative que la révolution de la longévité. Nous vivons aujourd'hui en moyenne 34 ans de plus que nos arrière-grands-parents. Pensez à ça. C'est l'équivalent d'une seconde vie adulte complète qui a été ajoutée à notre durée de vie. Et pourtant, en grande partie, notre culture ne s'est toujours pas arrêtée sur ce que cela implique. Nous vivons toujours le même paradigme de l'âge suivant le modèle d'une courbe. Voilà la métaphore, la vieille métaphore. On nait, on culmine en milieu de vie et on chute jusqu'à la décrépitude. (Rires)

L'âge en tant que pathologie

Mais plusieurs personnes de nos jours -- des philosophes, des artistes, des docteurs, des scientifiques -- perçoivent sous un angle nouveau ce que j'appelle le troisième acte, à savoir, les trois dernières décennies de notre vie. Ils réalisent qu'il s'agit en effet d'une étape de développement de la vie ayant sa propre signification -- aussi différent du milieu de la vie que l'adolescence l'est de l'enfance. Et ils se demandent -- nous devrions d'ailleurs tous nous demander -- comment doit-on utiliser ce temps? Comment le vivre avec succès? Quelle est la nouvelle métaphore appropriée pour la vieillesse?

J'ai passé la dernière année à rechercher et à écrire à ce sujet. Et j'en suis venue à la conclusion qu'une métaphore plus appropriée pour la vieillesse est celle d'un escalier -- l'ascension de l'esprit humain vers la sagesse, la plénitude et l'authenticité. L'âge perçu non pas en tant que pathologie, mais bien en tant que potentiel. Et devinez quoi? Ce potentiel n'est pas réservé à quelques chanceux. Il apparait plutôt que la plupart des gens âgés de plus de 50 ans se sentent mieux, sont moins stressés, sont moins hostiles, moins anxieux. On tend à voir davantage les points communs que les différences. Certaines études avancent même qu'on est plus heureux.

Ce n'est pas ce à quoi je m'attendais, croyez-moi. Je viens d'une longue lignée de dépressifs. Alors que j'approchais la fin de la quarantaine, quand je me réveillais le matin, mes six premières pensées étaient toutes négatives. Cela m'a fait peur. Je me suis dit, ô mon dieu, je vais devenir une vieille femme grincheuse. Mais maintenant que suis au beau milieu de mon troisième acte, je réalise que je n'ai jamais été aussi heureuse. J’éprouve un puissant sentiment de bienêtre. Et j'ai découvert que lorsqu'on vit la vieillesse, contrairement à quand on la contemple de l'extérieur, la peur s'estompe. On réalise que l'on est toujours soi-même -- voire plus que jamais. Picasso a dit : «Il faut beaucoup de temps pour devenir jeune.» (Rires)

Je ne veux pas embellir le vieillissement. Évidemment, il n'y a pas de garantie que cela puisse être un moment d'épanouissement et de croissance. Il y a un facteur de chance. Il y a bien sûr un facteur génétique. Un tiers en fait est lié à la génétique. Et il y a bien peu qu'on puisse y faire. Mais cela veut aussi dire qu'il en reste deux tiers sur lesquels on peut agir pour mieux s'en tirer pendant le troisième acte. Nous discuterons de ce que nous pouvons faire de ces années supplémentaires pour qu’elles soient vraiment réussies et utilisées pour créer une différence.

Maintenant, laissez-moi vous parler de l'escalier, ce qui peut paraître comme une métaphore douteuse considérant le fait que les ainés peinent à gravir des escaliers. (Rires) Y compris moi-même.

Comme vous le savez peut-être, le monde entier fonctionne selon une loi universelle : l'entropie, deuxième loi de la thermodynamique. L'entropie implique que tout dans le monde, absolument tout, est dans un état de déclin et de délabrement, d'où la courbe. Il n'existe qu'une seule exception à cette loi universelle, il s'agit de l'esprit humain, lequel continue d'évoluer -- d'où l'escalier -- nous transportant vers la plénitude, l'authenticité et la sagesse.

Voici un exemple de ce que je veux dire. Cette ascension peut survenir même en cas de difficultés physiques extrêmes. Il y a environ trois ans, j'ai lu un article dans le New York Times. C'était à propos d'un homme du nom de Neil Selinger -- un avocat retraité âgé de 57 ans. Il avait rejoint un groupe d'écrivains du Collège Sarah Lawrence et se découvrit une vocation d'auteur. Deux ans plus tard, il reçu un diagnostic de sclérose latérale amyotrophique (SLA), aussi connue sous le nom de maladie de Lou Gehrig. Il s'agit d'une maladie terrible. C'est fatal. Ça ruine le corps, mais l'esprit reste intact. Dans cet article, M. Selinger a décrit ce qui lui arrivait ainsi, et je cite : «Tandis que mes muscles s'affaiblissaient, mon écriture a gagné en force. Alors que je perdais peu à peu ma capacité de parler, j'ai trouvé ma voix. Tandis que je régressais, j'ai grandi. Alors que je perdais tant, j'ai enfin commencé à découvrir qui j'étais.» Pour moi, Neil Selinger est le parfait exemple de cette ascension dans l’escalier du troisième acte.

Chacun de nous naît avec un esprit, mais parfois, il est bafoué par les épreuves de la vie, la violence, l'abus et la négligence. Peut-être nos parents ont-ils souffert de dépression. Peut-être étaient-ils incapables de nous aimer au-delà de nos performances en ce monde. Peut-être souffrons-nous toujours d'une blessure psychique. Peut-être avons-nous le sentiment de n'avoir pas tourné sur la page sur plusieurs de nos relations. Et ainsi on peut se sentir inachevé. La tâche du troisième acte est donc peut-être de finir de s'achever soi-même.

Pour moi, ça a commencé alors que j'approchais mon troisième acte, à mon 60e anniversaire. Comment étais-je supposée le vivre ce troisième acte? Qu'étais-je supposée accomplir? Et puis, j'ai réalisé que pour savoir où aller, je devais d'abord savoir d’où je venais. Je suis donc revenue en arrière pour étudier mes deux premiers actes, en essayant de voir qui j’étais alors, qui j'étais vraiment -- pas ce que mes parents ou d'autres personnes me disaient que j'étais, ou me traitaient comme j’étais. Mais qui étais-je donc? Qui étaient mes parents – non pas en tant que parents, mais en tant que personnes? Qui étaient mes grands-parents? Comment avaient-ils traité mes parents? Ce genre de choses.

J'ai découvert quelques années plus tard que les psychologues appellent ce processus par lequel j'étais passée «faire un retour sur sa vie». Et ils disent que cela peut donner une nouvelle signification, de la clarté et du sens à la vie d'une personne. Vous découvrirez peut-être, comme ce fut le cas pour moi, que plusieurs choses dont vous vous sentiez coupables, plusieurs choses que vous pensiez de vous-mêmes, n'avaient en réalité rien à voir avec vous. Ce n'était pas de votre faute; vous étiez correct. Et vous êtes capables de retourner en arrière et de leur pardonner, et de vous pardonner à vous-mêmes. Vous êtes capables de vous libérer de votre passé. Vous pouvez travailler pour changer votre relation à votre passé.

Alors que j'écrivais sur ce sujet, je suis tombée sur un livre intitulé «Man's Search for Meaning» par Viktor Frankl. Viktor Frankl était un psychiatre allemand qui a passé cinq ans dans un camp de concentration nazi. Et il a écrit, alors qu'il était dans le camp, qu’il pouvait dire d’avance quelles personnes, si elles venaient à être libérées, se remettraient de l’épreuve ou non. Et il a écrit ceci : «Tout ce que vous possédez dans la vie peut vous être retiré à l'exception d'une chose, votre liberté de choisir comment vous allez réagir à une situation. C'est cela qui détermine la qualité de la vie que nous avons menée -- pas le fait d'avoir été riche ou pauvre, célèbre ou inconnu, en santé ou malade. Ce qui détermine notre qualité de vie est notre façon de composer avec ces réalités, à savoir, le sens qu'on leur donne, l'attitude réflexe à laquelle on s’accroche, l'état d'esprit qu’on leur permet de déclencher.»

Le but premier de ce troisième acte est-il peut-être de retourner en arrière et d'essayer, si c'est approprié, de changer la relation au passé. La recherche en science cognitive révèle que lorsque nous sommes capables de le faire, cela se manifeste au niveau neurologique -- des voies neuronales se créent dans le cerveau. Vous voyez, si vous avez, au fil du temps, réagi négativement à des évènements ou à des personnes dans le passé, des voies neuronales ont été créées à l’aide de signaux chimiques et électriques envoyés au cerveau. Au fil du temps, ces voies neuronales se sont renforcées, pour devenir la norme -- et ce, même si c'est mauvais pour nous parce que cela nous cause stress et anxiété.

Par contre, si l’on peut retourner arrière et modifier la relation, reconsidérer la relation que l'on entretient avec les personnes et les évènements de notre passé, les voies neuronales peuvent changer. Et si l'on peut maintenir les perceptions plus positives de notre passé, cela devient la nouvelle norme. C'est comme réinitialiser un thermostat. Ce n'est pas vivre des expériences qui nous rend sages, c'est réfléchir à nos expériences qui nous rend sages -- et cela nous aide à acquérir la plénitude, la sagesse et l'authenticité. Cela nous aide à devenir ce que nous aurions pu être.

Nous les femmes, on commence notre vie intacte, non? Je veux dire, en tant que petites filles, on s'affirme. On est empreinte de pouvoir, d'assurance. On est maitre de notre destinée. Mais, très souvent, plusieurs, si ce n'est la majorité d'entre nous, une fois à la puberté, on commence à sentir le besoin de se conformer et d'être populaire. On perd ainsi la maitrise de notre vie en nous soumettant plutôt aux autres. Mais maintenant, dans notre troisième acte, il est peut-être possible de retourner là où tout a commencé et d'en prendre conscience pour la première fois. Et si nous y parvenons, ce ne sera pas bénéfique que pour nous. Les femmes âgées constituent la plus grande part démographique du monde. Si nous pouvons retourner en arrière, nous redéfinir et atteindre la plénitude, cela va créer un tournant culturel de par le monde, et donner un exemple aux plus jeunes générations de sorte qu’elles puissent elles aussi reconsidérer leur existence.

Merci beaucoup!

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Transcriptions multilingues disponibles sur le site de la vidéo.

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