2 avril 2020

Pas à pas vers l’inconnu...

«L'amour demande un peu d'avenir, et il n'y avait plus pour nous que des instants.» ~ Albert Camus (La peste, 1947)

Pour l’avenir

En plantant des arbres au début du printemps,
nous offrons aux oiseaux un lieu pour chanter
dans le futur.
Comment le savons-nous?
Ils chantent ici maintenant.
Il n'y a aucune autre façon
de s’assurer de leurs chants.

© Poèmes de Wendell Berry

Photo : pigeons ramiers (photographe inconnu)

«S’ils se savaient plus éphémères, peut-être que les gens s’arrêteraient pour regarder pousser les pierres tombales dans les cimetières.»
~ Josée Blanchette, Le Devoir 24 juillet 2015  

Essayons de rester dans le présent et de relativiser un peu.  

Un texte inspirant cueilli  sur le site de Maria Popova*.

Avancer dans un univers incertain 


Nous fabriquons des choses et les semons dans le monde, sans vraiment savoir – souvent sans savoir du tout – qui elles atteindront et comment elles s'épanouiront dans d'autres cœurs, comment leur signification se déploiera dans des contextes que nous n'avons jamais imaginés.

Aujourd'hui, je vous propose quelque chose d'un peu différent de l'habituel, ou plutôt d’accessoire, en ces temps inhabituels : il y a quelques jours, j'ai reçu une note émouvante d'une femme qui avait lu Figuring et revisité la dernière page – cela l'aidait, disait-elle, à vivre la terreur et la confusion de ces temps incertains. Je me suis dit que j'allais partager cette page – qui vient après 544 autres, retraçant des siècles d'amours et de pertes humaines, d'épreuves et de triomphes, qui nous ont donné certains des couronnements de notre civilisation – au cas où cela aiderait quelqu'un d'autre :

    Pendant ce temps, quelque part dans le monde, quelqu'un fait l'amour et un autre un poème. Ailleurs dans l'univers, une étoile, dont la masse est plusieurs fois celle de notre soleil de troisième ordre, vit ses derniers instants dans une folle vrille avant de s'effondrer dans un trou noir, son expiration faisant plier l'espace-temps lui-même en un puits de néant qui peut avaler chaque atome qui nous a touchés et chaque donnée que nous avons produite, chaque poème, chaque statue et chaque symphonie que nous avons connus - un spectacle entropique insensible aux questions de blâme et de miséricorde, dépourvu de raison.
    Dans quatre milliards d'années, notre propre étoile suivra son destin, s'effondrant en une naine blanche. Après tout, nous n'existons que par hasard. Le Voyager naviguera encore dans l'espace interstellaire sans rivage, sur les ailes des «brises célestes» que Kepler avait jadis imaginées, portant Beethoven sur un disque d'or fabriqué par une civilisation symphonique qui, il y a longtemps, faisait l'amour, la guerre et les mathématiques sur un lointain point bleu.
    Mais jusqu'à ce que ce jour arrive, rien de ce qui a été créé ne nous quitte jamais complètement. Les graines sont plantées et fleurissent des générations, des siècles, des civilisations plus tard, en migrant à travers les coteries, les pays et les continents. Pendant ce temps, les gens vivent et meurent - dans la paix alors que la guerre fait rage, dans la pauvreté et le discrédit alors que la gloire latente attend, avec beaucoup de choses qui ne se rencontrent jamais plus, dans l'amour naufragé.
    Je vais mourir.
    Vous allez mourir.
    Les atomes qui se sont blottis pour un clignement cosmique autour de l'ombre d'un moi retourneront aux mers qui nous ont faits.
    Ce qui survivra de nous, ce sont des graines et des poussières d'étoiles sans rivage.»

* Maria Popova est autrice, critique culturelle et blogueuse

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Version originale

Figuring Forward in an Uncertain Universe

We make things and seed them into the world, never fully knowing – often never knowing at all – whom they will reach and how they will blossom in other hearts, how their meaning will unfold in contexts we never imagined.

Today I offer something a little apart from the usual, or sidelong rather, amid these unusual times: A couple of days ago, I received a moving note from a woman who had read Figuring and found herself revisiting the final page – it was helping her, she said, live through the terror and confusion of these uncertain times. I figured I’d share that page – which comes after 544 others, tracing centuries of human loves and losses, trials and triumphs, that gave us some of the crowning achievements of our civilization – in case it helps anyone else:

    Meanwhile, someplace in the world, somebody is making love and another a poem. Elsewhere in the universe, a star manyfold the mass of our third-rate sun is living out its final moments in a wild spin before collapsing into a black hole, its exhale bending spacetime itself into a well of nothingness that can swallow every atom that ever touched us and every datum we ever produced, every poem and statue and symphony we’ve ever known – an entropic spectacle insentient to questions of blame and mercy, devoid of why.
    In four billion years, our own star will follow its fate, collapsing into a white dwarf. We exist only by chance, after all. The Voyager will still be sailing into the interstellar shorelessness on the wings of the “heavenly breezes” Kepler had once imagined, carrying Beethoven on a golden disc crafted by a symphonic civilization that long ago made love and war and mathematics on a distant blue dot.
    But until that day comes, nothing once created ever fully leaves us. Seeds are planted and come abloom generations, centuries, civilizations later, migrating across coteries and countries and continents. Meanwhile, people live and people die – in peace as war rages on, in poverty and disrepute as latent fame awaits, with much that never meets its more, in shipwrecked love.
    I will die.
    You will die.
    The atoms that huddled for a cosmic blink around the shadow of a self will return to the seas that made us.
    What will survive of us are shoreless seeds and stardust.

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