Pour l’avenir
En plantant
des arbres au début du printemps,
nous offrons
aux oiseaux un lieu pour chanter
dans le
futur.
Comment le
savons-nous?
Ils chantent
ici maintenant.
Il n'y a
aucune autre façon
de s’assurer
de leurs chants.
© Poèmes de Wendell Berry
«S’ils se savaient plus éphémères,
peut-être que les gens s’arrêteraient pour regarder pousser les pierres
tombales dans les cimetières.»
~ Josée
Blanchette, Le Devoir 24 juillet 2015
Essayons de rester
dans le présent et de relativiser un peu.
Un texte inspirant
cueilli sur le site de Maria Popova*.
Avancer dans un univers incertain
Nous
fabriquons des choses et les semons dans le monde, sans vraiment savoir – souvent
sans savoir du tout – qui elles atteindront et comment elles s'épanouiront dans
d'autres cœurs, comment leur signification se déploiera dans des contextes que
nous n'avons jamais imaginés.
Aujourd'hui,
je vous propose quelque chose d'un peu différent de l'habituel, ou plutôt d’accessoire,
en ces temps inhabituels : il y a quelques jours, j'ai reçu une note émouvante
d'une femme qui avait lu Figuring et revisité
la dernière page – cela l'aidait, disait-elle, à vivre la terreur et la
confusion de ces temps incertains. Je me suis dit que j'allais partager cette
page – qui vient après 544 autres, retraçant des siècles d'amours et de pertes
humaines, d'épreuves et de triomphes, qui nous ont donné certains des
couronnements de notre civilisation – au cas où cela aiderait quelqu'un
d'autre :
Pendant ce temps, quelque part dans le
monde, quelqu'un fait l'amour et un autre un poème. Ailleurs dans l'univers,
une étoile, dont la masse est plusieurs fois celle de notre soleil de troisième
ordre, vit ses derniers instants dans une folle vrille avant de s'effondrer
dans un trou noir, son expiration faisant plier l'espace-temps lui-même en un
puits de néant qui peut avaler chaque atome qui nous a touchés et chaque donnée
que nous avons produite, chaque poème, chaque statue et chaque symphonie que
nous avons connus - un spectacle entropique insensible aux questions de blâme
et de miséricorde, dépourvu de raison.
Dans quatre milliards d'années, notre
propre étoile suivra son destin, s'effondrant en une naine blanche. Après tout,
nous n'existons que par hasard. Le Voyager naviguera encore dans l'espace
interstellaire sans rivage, sur les ailes des «brises célestes» que Kepler
avait jadis imaginées, portant Beethoven sur un disque d'or fabriqué par une
civilisation symphonique qui, il y a longtemps, faisait l'amour, la guerre et
les mathématiques sur un lointain point bleu.
Mais jusqu'à ce que ce jour arrive, rien de
ce qui a été créé ne nous quitte jamais complètement. Les graines sont plantées
et fleurissent des générations, des siècles, des civilisations plus tard, en
migrant à travers les coteries, les pays et les continents. Pendant ce temps,
les gens vivent et meurent - dans la paix alors que la guerre fait rage, dans
la pauvreté et le discrédit alors que la gloire latente attend, avec beaucoup
de choses qui ne se rencontrent jamais plus, dans l'amour naufragé.
Je vais mourir.
Vous allez mourir.
Les atomes qui se sont blottis pour un
clignement cosmique autour de l'ombre d'un moi retourneront aux mers qui nous
ont faits.
Ce qui survivra de nous, ce sont des
graines et des poussières d'étoiles sans rivage.»
* Maria
Popova est autrice, critique culturelle et blogueuse
Brain pickings http://www.brainpickings.org/
~~~
Version
originale
Figuring
Forward in an Uncertain Universe
We make things and seed them into the world, never
fully knowing – often never knowing at all – whom they will reach and how they
will blossom in other hearts, how their meaning will unfold in contexts we
never imagined.
Today I offer something a little apart from the usual,
or sidelong rather, amid these unusual times: A couple of days ago, I received
a moving note from a woman who had read Figuring
and found herself revisiting the final page – it was helping her, she said,
live through the terror and confusion of these uncertain times. I figured I’d
share that page – which comes after 544 others, tracing centuries of human
loves and losses, trials and triumphs, that gave us some of the crowning
achievements of our civilization – in case it helps anyone else:
Meanwhile,
someplace in the world, somebody is making love and another a poem. Elsewhere
in the universe, a star manyfold the mass of our third-rate sun is living out
its final moments in a wild spin before collapsing into a black hole, its
exhale bending spacetime itself into a well of nothingness that can swallow
every atom that ever touched us and every datum we ever produced, every poem
and statue and symphony we’ve ever known – an entropic spectacle insentient to
questions of blame and mercy, devoid of why.
In four
billion years, our own star will follow its fate, collapsing into a white
dwarf. We exist only by chance, after all. The Voyager will still be sailing
into the interstellar shorelessness on the wings of the “heavenly breezes”
Kepler had once imagined, carrying Beethoven on a golden disc crafted by a
symphonic civilization that long ago made love and war and mathematics on a
distant blue dot.
But until
that day comes, nothing once created ever fully leaves us. Seeds are planted
and come abloom generations, centuries, civilizations later, migrating across
coteries and countries and continents. Meanwhile, people live and people die – in
peace as war rages on, in poverty and disrepute as latent fame awaits, with
much that never meets its more, in shipwrecked love.
I will die.
You will
die.
The atoms
that huddled for a cosmic blink around the shadow of a self will return to the
seas that made us.
What will
survive of us are shoreless seeds and stardust.
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