Cette murale
de Banksy, No Trespassing (défense de passer), met en scène un Amérindien assis
par terre, qui se lamente de l'intrusion de l'homme blanc et des ennuis qu'il a
apportés avec lui. [Apparue sur un mur du Mission District de San Francisco en
2010, elle fut rapidement entachée par d'autres graffitis et est désormais entièrement
recouverte de peinture.]
Que
pouvons-nous espérer des rencontres entre le gouvernement fédéral et la communauté
Wetʼsuwetʼen? Ce n’est pas un litige qu’on peut résoudre en trois jours... Certains
reprochent aux chefs de ne pas s’entendre entre eux. Les provinces ne s’entendent
pas non plus sur l’exploitation des énergies fossiles à ce que je sache! S’il y
a une question qui soulève l’antagonisme c’est bien celle-là.
L’analyste politique Luc Lavoie devrait être
poursuivi pour incitation à la violence; être son boss, je lui aurais montré la
porte :
«Il [Luc
Lavoie] a suggéré lundi sur les ondes du 98,5 d’opter pour «un coup de [pistolet]
.45 entre les yeux» des manifestants autochtones qui bloquent les chemins de
fer. «Un coup de .45 entre les deux yeux, tu réveilles, mon homme. Ou tu
t’endors pour longtemps», a-t-il lancé à son collègue Bernard Drainville.» (Le
Devoir, 21 février 2020)
La Presse
canadienne / 1er mars 2020 – Aux dernières nouvelles, selon le chef
Woos, un des chefs héréditaires Wet’suwet’en, l’entente représente un jalon
important pour son peuple et toutes les parties impliquées.
«Au cours des trois derniers jours, nous
avons discuté de certains sujets qui nous préoccupent tous», a-t-il indiqué aux
journalistes.
Il a toutefois rappelé que le groupe
demeurait fortement opposé au passage du gazoduc sur son territoire ancestral.
Nous continuerons de rechercher le dialogue
avec la Colombie-Britannique, le promoteur et la GRC à l’extérieur du
territoire. Ce n’est pas encore terminé. Il y a encore beaucoup de travail à
faire.
Le promoteur
du projet de gazoduc, Coastal GasLink, n’a
pas perdu de temps pour annoncer la reprise des travaux dans le secteur de la
rivière Morice dès lundi.
Photo :
Rivière Morice, B.C.
«Coastal
GasLink reconnaît les discussions survenues au cours des derniers jours et le
fait qu’un progrès important avait été accompli pour aborder les préoccupations
des chefs héréditaires Wet’suwet’en», a déclaré le président de l’entreprise,
David Pfeiffer dans un communiqué publié dimanche.
Territoire traditionnel
Wet’suwet’en
Une entente de principe conclue entre
ministres et chefs Wet’suwet’en
Article
intégral :
«La bêtise ne dépasse jamais les
bornes, où qu’elle pose le pied, là est son territoire.» ~ Stanislaw Jerzy Lec
Le litige est
en droite ligne avec la sale histoire de Keystone XL. Un nom différent,
Coastal GasLink, mais le même propriétaire : TC Energy (TransCanada). But :
acheminer le gaz albertain à Kitimat B.C. (au lieu d’au Texas), pour ensuite l’envoyer
en Asie.
Évitons un deuxième
Standing Rock... Les opposants avaient lutté, en vain, contre le Dakota
Access Pipeline, aujourd’hui opérationnel. La fin de l’occupation avait été
brutale; les forces armées utilisaient des gaz lacrymogènes, des balles en
caoutchouc et des grenades, formaient des barrages de blindés. En novembre
2016, les altercations entre policiers, soldats et manifestants firent de
nombreux blessés. On a rapporté la présence d’agents d’infiltration et les
arrestations furent nombreuses. Bref c’était vilain.
Standing Rock
La phase IV du projet Keystone XL, qui était
au cœur du litige, fut autorisée par l'administration Trump en mars 2017. Il s’agit
d’un shortcut pour transporter les hydrocarbures synthétiques et le bitume
dilué canadiens de Hardisty (Nord-est de l'Alberta, Canada) jusqu'à Steele City
(Nebraska, États-Unis), lieu à partir duquel les infrastructures existantes
(phases II et III) permettent leur acheminement jusqu'aux raffineries du golfe
du Mexique. Sa capacité de transport prévue était de 830 000 barils par jour
(132 000 m3/j).
Plusieurs groupes de militants ont consacré
fonds et efforts pour contester et amener la compagnie devant les tribunaux. Des éleveurs et des agriculteurs dont les
terres étaient sur la route de l’oléoduc Keystone XL s’étaient associés aux
contestations. La mobilisation avait créé un mouvement mondial de solidarité afin
de promouvoir le respect des droits des minorités trop souvent persécutées,
discriminées et censurées. Encore une
fois en vain.
Les communautés autochtones craignaient des
fuites de pétrole, une possible pollution de l'eau et assimilaient la
construction de l'infrastructure à une violation des traités historiques passés
entre les nations amérindiennes et le gouvernement. En cas de fuite, les tuyaux
souterrains de Keystone XL menaceraient l’aquifère Ogallala, une immense nappe
phréatique de faible profondeur située sous les grandes plaines des États-Unis,
du Dakota du Sud jusqu’au Texas. Elle fournit l’eau potable de 85 % des
habitants du Nebraska et permet l’agriculture d’irrigation sur ces terres
poussiéreuses.
Lorsqu'en novembre 2014 la Chambre des
représentants avait voté en faveur de l'oléoduc, Cyril Scott, le chef de la
réserve indienne de Rosebud, où vivent nombre de Brûlés, avait déclaré : «Nous sommes une nation souveraine mais nous
ne sommes pas traités comme tels. Nous allons fermer les frontières de la
réserve à Keystone XL. Autoriser Keystone XL est un acte de guerre contre notre
peuple.»
Standing Rock
Même si le
pétrole coule à flot dans le pipeline depuis 2017, les Sioux de Standing Rock n’ont
pas lâché et réclamaient à nouveau, en novembre 2019, sa fermeture sur leur
territoire.
“To some, this may be just
another pipeline in just another place. But to us, it’s not just a pipeline,
it’s a threat. And it’s not just a place, it’s our home. The only one we have.
Every day the pipeline represents a threat to our way of life and an insult to
our culture and traditions that have withstood so much. We are still here. We
are not giving up this fight.”
~ Mike Faith, chairman of the Standing Rock
Sioux Tribe
En 2020, le pétrole brut albertain est enclavé. Les prévisions de croissance ont été réduites de moitié. Certains groupes de l'Ouest canadien anvisagent une séparation - un Wexit. Des entreprises emblématiques ont changé de nom ou ont déménagé leurs sièges sociaux; Trans Mountain a vendu l'extension de son pipeline au gouvernement Trudeau - Les PDG de la compagnie rient encore de nous avoir si bien roulés!
Le fédéral achètera-t-il Coastal GasLink?!
Et quid du rejeton
GNL Québec?
Projet GNL Québec: une industrie
dépendante des fonds publics
Colin Pratte
et Bertrand Schepper
Respectivement
chercheur associé et chercheur à l’Institut de recherche et d’informations
socioéconomiques
La Presse, 26
février 2020
En étudiant les cadres financiers des
compétiteurs de l’éventuelle usine de l’entreprise Énergie Saguenay (GNL
Québec), on réalise que ce projet s’inscrit au sein d’une industrie fortement
dépendante de fonds publics. Ainsi, pour voir le jour, Énergie Saguenay devra
obtenir au même titre que ses concurrents un important soutien du Trésor
public.
À titre
d’exemple, nous pouvons citer le terminal Sabine Pass, installé dans le golfe
du Mexique, qui a bénéficié de 1,69 milliard de dollars américains sous forme
de congé de taxe et de subventions. Pour chacun des 225 emplois créés, l’État
aurait ainsi payé 7,5 millions de dollars américains, ou se serait passé de
l’équivalent en revenus. Ouvert en 2016, ce premier projet d’exportation de gaz
naturel liquéfié (GNL) de l’histoire des États-Unis a exporté 40 % de son
produit vers le marché asiatique, soit au Japon, en Corée du Sud et en Chine.
Dans l’Ouest canadien, le portrait est le
même. Le projet LNG Canada, dans lequel l’entreprise d’État PetroChina a
investi, a bénéficié en 2018 d’un cadeau fiscal évalué à au moins 5,35
milliards de dollars de la part du gouvernement de la Colombie-Britannique. LNG
Canada ne sera pas imposée sur ses revenus. En plus de cela, la taxe
provinciale de vente sera annulée lors de la phase de la construction, sans
compter la diminution de sa taxe carbone.
C’est donc dire qu’Énergie Saguenay, afin
d’exporter son gaz, serait en compétition directe avec ces terminaux fortement
subventionnés et géographiquement mieux situés.
Les 56
projets de terminaux actuellement prévus en Amérique du Nord seront en
concurrence pour alimenter le marché asiatique. L’agence Bloomberg prévoit que
cette région sera responsable de 86 % de la croissance de la demande de gaz
naturel liquéfié pour la période 2017-2030.
Bref, tout indique qu’en plus des 550
mégawatts d’hydroélectricité qu’elle recevra au tarif diminué, Énergie Saguenay
devra obtenir des fonds publics équivalents à ceux dont bénéficient ses
compétiteurs directs. Des centaines de
millions de dollars de deniers de l’État devront lui être accordés pour que ce
projet dont les capitaux transitent par des sociétés établies dans des paradis
fiscaux voie le jour.
Un frein à la transition énergétique
D’un point de
vue écologique, la question est la suivante : à l’heure où une transition énergétique est requise pour freiner
l’emballement climatique, est-ce pour ce projet d’exportation de gaz naturel
non traditionnel, issu à 85 % de la fracturation, que l’argent des
contribuables doit servir et que tant d’hydroélectricité doit être vendue au
rabais?
Le premier ministre reprend le discours de l’industrie lorsqu’il
soutient que le GNL doit être considéré comme une énergie de transition.
Financer ce projet dont la durée de vie
prévue est de plusieurs décennies ne fera que prolonger notre dépendance aux
énergies fossiles et ralentir leur remplacement par des énergies renouvelables.
Dans tous les cas, une subvention à Énergie
Saguenay ne garantit pas la réussite économique de ce projet qui a déjà de
nombreux compétiteurs largement subventionnés. Un tel soutien nous assure
toutefois que la transition écologique juste dans laquelle le Québec doit
s’engager sera freinée.