Boris Vian, 1920-1959 
Poète, parolier, chanteur et musicien de jazz français 
COMPLAINTE DU PROGRÈS 
Autrefois pour faire sa cour 
On parlait d’amour 
Pour mieux prouver son ardeur 
On offrait son cœur 
Aujourd’hui, c’est plus pareil 
Ça change, ça change 
Pour séduire le cher ange 
On lui glisse à l’oreille 
Ah… Gudule!... Viens m’embrasser… Et je te donnerai 
Un frigidaire 
Un joli scooter 
Un atomixer 
Et du Dunlopillo 
Une cuisinière 
Avec un four en verre 
Des tas de couverts 
Et des pell’ à gâteaux 
Une tourniquette 
Pour fair’ la vinaigrette 
Un bel aérateur 
Pour bouffer les odeurs 
Des draps qui chauffent 
Un pistolet à gaufres 
Un avion pour deux 
Et nous serons heureux 
Autrefois s’il arrivait 
Que l’on se querelle 
L’air lugubre on s’en allait 
En laissant la vaisselle 
Aujourd’hui, que voulez-vous 
La vie est si chère 
On dit : rentre chez ta mère 
Et l’on garde tout 
Ah… Gudule… Excuse-toi… ou je reprends tout ça. 
Mon frigidaire 
Mon armoire à cuillères 
Mon évier en fer 
Et mon poèl’ à mazout 
Mon cire-godasses 
Mon repasse-limaces 
Mon tabouret à glace 
Et mon chasse-filou 
La tourniquette 
À faire la vinaigrette 
La ratatine-ordures 
Et le coupe-friture 
Et si la belle 
Se montre encore rebelle 
On la fiche dehors 
Pour confier son sort 
Au frigidaire 
À l’efface-poussière 
À la cuisinière 
Au lit qu’est toujours fait 
Au chauffe-savates 
Au canon à patates 
À l’éventre-tomates 
À l’écorche-poulet 
Mais très très vite 
On reçoit de la visite 
D’une tendre petite 
Qui ouvre son cœur 
Alors on cède 
Car il faut qu’on s’entraide 
Jusqu’à la prochaine fois. 
Et l’on vit comme ça 
Jusqu’à la prochaine fois. 
Et l’on vit comme ça 
Jusqu’à la prochaine fois. 
TERRE-LUNE 
Quand j’en aurai assez d’entendre 
Les enfants pleurer dans le noir 
Quand j’en aurai assez de voir 
Les villes crouler sous les cendres 
Quand j’en aurai assez des larmes 
Des cris, du sang et du vacarme 
Quand j’en aurai assez du monde 
À moi la lune blonde 
Refrain 
Terre-lune, terre-lune 
Ce soir j’ai mis mes ailes d’or 
Dans le ciel comme un météore 
Je pars 
Terre-lune, terre-lune 
J’ai quitté ma vieille atmosphère 
J’ai laissé les morts et les guerres 
Au revoir 
Dans le ciel piqué de planètes 
Tout seul sur une lune vide 
Je rirai du monde stupide 
Et des hommes qui font les bêtes 
Terre-lune, terre-lune 
Adieu ma ville adieu mon cœur 
Globe tout perclus de douleurs 
Bonsoir! 
Couplet 2 
Vive la nuit, j’ai levé l’ancre 
À moi les pluies d’astéroïdes 
Et les comètes à l’œil livide 
Diamants éparpillés dans l’encre 
À moi les étoiles de miel 
Fleurs de topaze et de rubis 
À moi le silence éternel 
De l’espace infini 
Refrain 2 
Terre-lune, terre-lune 
Voyez se lever le croissant 
Lune terrestre au firmament 
Bonjour 
Terre-lune, terre-lune 
Voilà l’Afrique et l’Amérique 
Et la raie sombre des tropiques 
Autour 
Un jour viendra dans ma retraite
Un jour viendra dans ma retraite
Où je verrai, le nez levé 
Exploser ma triste planète 
Qui se prétend civilisée 
Terre-lune, terre-lune 
Monde pourri, monde trop vieux 
Pierrot là-haut te dit ce soir 
Adieu!… 
TEXTES ET CHANSONS; Christian Bourgeois Éditeur 1975


 
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