5 juin 2020

Des crises que la pensée magique ne résoudra pas

«Depuis qu’il y eu deux hommes sur la terre, cela a été un écœurant spectacle de les regarder agir; cela n’a pas changé depuis et ne changera vraisemblablement jamais. Est-il absolument inévitable qu’il y ait antagonisme entre l’intérêt de l’individu et celui de la collectivité? – Probablement que non. Mais l’on peut, aussi, se demander, pourquoi notre terre, qui pourrait être d’un séjour passablement agréable pour des êtres intelligents, est transformée en enfer par la stupidité de ses habitants.»
~ Alexandra David-Néel


«La responsabilité du choix, c’est aussi oser décider de quel côté on se situe dans une société injuste, traversée de conflits et marquée par l’indignité. C’est pourquoi nous sommes tous des êtres politiques, que nous le voulions ou non. Nous vivons dans une dimension politique fondamentale. Par le fait même d’exister, nous passons un contrat avec tous nos contemporains, mais aussi avec les générations futures.
   Qu’est-ce qui conditionne nos décisions? Qu’est-ce qui oriente les choix que nous faisons, les idées qui sont les nôtres, ce que nous trouvons par exemple inadmissible? Que choisissons-nous de défendre, et que choisissons-nous de rejeter?
     Avoir la possibilité de choisir ce à quoi on consacre son existence est un grand privilège. Pour la très grande majorité des habitants de la planète, la vie est fondamentalement une affaire de survie, dans des conditions dramatiques. [...] Au cours des millénaires, très rares sont ceux qui ont pu se consacrer à autre chose qu’à la survie. [...]
   Les révoltes et les révolutions ont toujours eu le même enjeu. Lorsqu’on ne peut survivre alors qu’on s’échine au travail jusqu’au bout de ses forces, il ne reste pas d’autres solution que de se révolter. C’est après le passage à la révolte que la question du «droit à autre chose» s’affirme et se précise.
[...]
   Ceux qui vivent dans les marges extrêmes d’une société n’on aucun choix.
   Se coucher dans la rue pour mourir n’est pas un choix. Se laisser mourir de faim n’est pas un choix. Nous avons aujourd’hui tous les moyens nécessaires pour éradiquer la misère absolue et hisser l’ensemble des êtres humains vivants au-dessus du seuil de malnutrition. Nous choisissons de ne pas le faire. C’est un choix que je ne peux considérer autrement que comme un acte criminel. Mais il n’existe pas de tribunal habilité à poursuivre, à l’échelle globale, les criminels responsables du fait que la faim et la misère ne sont pas combattues à l’aide de toutes les ressources disponibles. Et qui nous entraînent tous à être complices et à avoir notre part de responsabilité dans ce choix. »
~ Henning Mankell (SABLE MOUVANT, Éditions du Seuil, septembre 2015)

UN RACISME APPAREMMENT INCURABLE

Il est enraciné depuis si longtemps...

Il aurait été vain que des témoins appellent des policiers pour stopper l’agonie par asphyxie de 8 minutes de George Floyd par un des leurs avec la complicité de trois de ses collègues. On aurait cru qu’il s’agissait d’un meurtre en direct comme on en voit paraît-il sur le dark web. «Vas-tu appeler des policiers à ton secours s’ils sont tes ennemis?», résumait un manifestant afro-américain. La jeune femme qui a filmé le meurtre a publié une vidéo où elle témoigne en pleurant à chaudes larmes de son sentiment de totale impuissance à pouvoir l’empêcher; néanmoins le fait de l’avoir diffusée a fait réfléchir le monde entier.

Homicide involontaire, franchement... Derek Chauvin savait ce qu’il faisait; et c’est en voyant l’arrestation filmée par un autre témoin qu’on l’a bien compris.

Le professeur de droit à l’Université de Montréal Hugues Parent ne veut pas spéculer dans le cas du policier Derek Chauvin, n’étant pas un expert du droit criminel américain, mais il entrevoit déjà la question qui surgira. «La question qui se posera est celle-ci : la technique utilisée pour maîtriser le suspect est-elle enseignée et autorisée? La maintenir aussi longtemps peut-elle la rendre illégale? Considérant que George Floyd était neutralisé, le policier peut-il invoquer qu’il craignait pour sa vie?»

La réponse du magazine de satire sociale et politique THE ONION :

News in brief 5/26/20
Minneapolis Police Now Requiring Officers To Undergo Ergonomics Training To Better Protect Knees

MINNEAPOLIS – Apologizing for a lack of oversight following the death of George Floyd after police officer Derek Chauvin pinned him to the ground, Minneapolis Police Department officials announced Tuesday that they are now requiring all officers to undergo ergonomics training to better protect their knees. “After reviewing video of the incident, we are disturbed by the officer repeatedly placing excessive stress on the knee joint, and will immediately implement stretching protocols to ensure this never happens again,” said a spokesperson for the Minneapolis police, noting that the officer’s actions were completely antithetical to the department’s standards for long-term joint health. “Frankly, the officer could have done permanent damage to his ACL while crushing a suspect’s windpipe like that. If our officers are going to be out in the field kneeing people in the neck over and over again, that’s a repeat-use injury just waiting to happen, and we must address it. We need to ensure all of our officers know how to act in a more dangerous situation where they may be required to lift with their backs.” The Minneapolis Police Department added that normally they would place the involved officer on desk duty, but in this case they didn’t want to risk causing further damage to his knees.


Mort de George Floyd : que signifient les accusations contre Derek Chauvin?

Isabelle Richer, chroniqueuse judiciaire  
Radio-Canada Info, 3 juin 2020

La mort de George Floyd par suffocation embrase les États-Unis depuis plus d’une semaine maintenant. Le congédiement du policier Derek Chauvin n’y a rien changé, ni même son arrestation et sa mise en accusation pour meurtre.
   Les accusations contre Derek Chauvin ont été déposées en un temps record à Minneapolis. L’ex-policier a d’abord fait face, vendredi dernier, à un chef d’homicide involontaire et à un autre de meurtre au 3e degré, une accusation qui n’existe pas en droit canadien. D’ailleurs, cette accusation n’existe que dans trois États américains, dont le Minnesota.
   Puis, mercredi après-midi, le procureur général de l’État a annoncé qu’il ajoutait, contre Derek Chauvin, une troisième accusation aux deux autres : un chef de meurtre au 2e degré, soit un meurtre sans l’intention de causer la mort, mais en commettant un crime.
   Il a aussi déposé des accusations de complicité de meurtre pour les trois autres agents de police qui se trouvaient avec lui.

Le 3e degré, proche de la négligence criminelle

L’accusation initiale de meurtre au 3e degré signifiait le fait de "causer la mort de façon non intentionnelle ni préméditée, mais en présentant une indifférence totale à l’égard de la vie d’autrui".
   Cette définition ressemble de façon frappante à la définition de la négligence criminelle dans notre système de droit. Ici, on parle d’"insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie d’autrui".
   Quant à l’homicide involontaire, il signifie, comme son nom l’indique, que la mort n’est pas voulue, mais qu'elle n’est pas le résultat d’un accident. La définition, en droit américain, est quasi identique à celle du meurtre au 3e degré.
   Il est hasardeux d’essayer d’établir des parallèles entre le droit américain et le droit canadien. Bien que nous soyons voisins, notre héritage et nos pratiques se distinguent de plusieurs façons.
   On y disait essentiellement que la Cour suprême des États-Unis fait en sorte que les policiers réussissent à s’en tirer même dans des cas de meurtre, en raison d’une immunité relative qui s’est élargie avec le temps.
   Qu’en est-il de cette immunité? De quoi parle-t-on? Existe-t-elle ici?

Immunité relative

Cette «immunité relative» dont on parle aux États-Unis, explique Hugues Parent, professeur de droit à l’Université de Montréal, ne s’applique pas dans les procès criminels. [...]  

Suite :

UNE PANDÉMIE APPAREMMENT DURABLE  

Une crise dont on ne revient pas, selon Alain Deneault

Le Devoir / 1er juin 2020

La lutte contre la COVID-19 nous plonge dans une crise qui bouleverse nos certitudes. Cette crise va-t-elle modifier notre façon de vivre et notre rapport aux autres? Le Devoir a demandé à différentes personnalités de réfléchir aux conséquences de la pandémie dans nos vies. Cette réflexion vous est présentée en page Idées pendant quelques semaines. Aujourd’hui : Alain Deneault, le capitalisme et l’économie.


Entrevue avec Alain Deneault à Desautels Le dimanche :


Regard de philosophe : «Non, tout n’ira pas bien si on continue comme on le fait»

«Il faut vraiment saisir cette occasion pour travailler à une régionalisation des modes d’organisation et à une modération de notre rapport à la consommation.»
   Au-delà de l’urgence sanitaire, Alain Deneault pense que la pandémie du coronavirus, aussi douloureuse soit-elle, doit être l’occasion pour la planète d’observer une halte salvatrice et de repenser son modèle de production et de consommation.
   Le philosophe est sans détour. Dans la fièvre du coronavirus qui s’empare du monde, avec son lot de morts et d’effets collatéraux, il est naturel de s’allier solidairement pour faire front commun à la pandémie, mais il faut se garder de verser dans un optimisme béat.
   Il recommande de ne pas trop se gargariser de slogans triomphants, du genre «Tout ira bien», car, prévient-il, «non, tout n’ira pas bien si on continue comme on l’a fait. C’est la leçon qu’il faut tirer, il ne faut pas se fermer les yeux en disant : tenons bon et bientôt tout continuera comme avant.»
   En entrevue à l’émission Désautels le dimanche, le professeur de philosophie à l’Université de Moncton prône une espèce de catharsis en ces temps de crise. «C’est un moment existentiel, c’est un moment aussi intellectuel où on peut collectivement se demander d’où on vient et où on va. Et qu’est-ce qu’on fait, comment on s’organise et comment s’explique la crise dans laquelle on est?»
   En d’autres termes, il faudrait faire du problème «un élément déclencheur pour penser plus largement notre rapport au monde».


Effets secondaires
Grand Corps Malade



En ces temps confinés on s'est posés un peu
Loin des courses effrénées on a ouvert les yeux
Sur cette époque troublée, ça fait du bien parfois
Se remettre à penser même si c'est pas par choix

Alors entre les cris d'enfants et le travail scolaire
Entre les masque et les gants, entre peur et colère
Voyant les dirigeants flipper dans leur confuse gestion
En ces temps confinés, on se pose des questions

Et maintenant…

Et si ce virus avait beaucoup d'autres vertus
Que celle de s'attaquer à nos poumons vulnérables
S'il essayait aussi de nous rendre la vue
Sur nos modes de vie devenus préjudiciables
Si on doit sauver nos vies en restant bien chez soi

On laisse enfin la terre récupérer ce qu'on lui a pris
La nature fait sa loi en reprenant ses droits
Se vengeant de notre arrogance et de notre mépris
Et est-ce un hasard si ce virus immonde
N'attaque pas les plus jeunes, n'atteint pas les enfants
Il s'en prend aux adultes responsables de ce monde
Il condamne nos dérives et épargne les innocents
Ce monde des adultes est devenu si fébrile
L'ordre établi a explosé en éclats
Les terriens se rappellent qu'ils sont humains et fragiles
Et se sentent peut-être l'heure de remettre tout à plat

Et si ce virus avait beaucoup d'autres pouvoirs
Que celui de s'attaquer à notre respiration
S'il essayait aussi de nous rendre la mémoire
Sur les valeurs oubliées derrière nos ambitions
On se découvre soudain semblables, solidaire
Tous dans le meme bateau pour affronter le virus
C'était un peu moins le cas pour combattre la misère
On était moins unis pour accueillir l'aquarius
Et si ce virus avait le don énorme de rappeler ce qui nous est vraiment essentiel
Les voyages, les sorties, l'argent ne sont plus la norme
Et de nos fenêtres on réapprend à regarder le ciel
On a du temps pour la famille, on ralenti le travail
Et même avec l'extérieur on renforce les liens

On réinvente nos rituels, pleins d'idées, de trouvailles
Et chaque jour on prend des nouvelles de nos anciens
Et si ce virus nous montrait qui sont les vrais héros
Ceux qui trimaient déjà dans nos pensées lointaines
Ce n'est que maintenant qu'ils font la une des journaux
Pendant que le CAC 40 est en quarantaine
Bien avant le Corona l'hôpital suffoquait
Il toussait la misère et la saturation
Nos dirigeants découvrent qu'il y a lieu d'être inquiets
Maintenant qu'il y a la queue en réanimation
On reconnaît tout à coup ceux qui nous aident à vivre

Quand l'état asphyxie tous nos services publics
Ceux qui nettoient les rues, qui transportent et qui livrent
On redécouvre les transparents de la république

Et maintenant…

Alors quand ce virus partira comme il est venu
Que restera-t-il de tous ses effets secondaires
Qu'est-ce qu'on aura gagné avec tout ce qu'on a perdu
Est-ce que nos morts auront eu un destin salutaire

Et maintenant…
Et maintenant…
Et maintenant…
Et maintenant…

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