27 mai 2013

Combien de saisons vous reste-t-il?

Photo : Daniel Fortin; sous-bois, Centre de la nature

La supplique du vieux jardinier

Combien me reste-t-il de printemps à semer
Quand le soleil levant dissipe la grisaille?
Perce-neige et crocus, plantés dans la rocaille,
Seront les tout premiers pour venir nous charmer
L'odorant seringa, le muguet, la jonquille,
Les arbres du verger, tout habillés de blanc,
Écoutent, stupéfaits, la grive qui babille
Et les éclats de voix d'un merle conquérant.

Combien me reste-t-il d'étés à contempler
Quand la lune est propice au lever des semailles?
Les prés sont tout remplis de champêtres sonnailles.
Les taillis, les buissons de nids vont se peupler.
Le moineau pillera la fraise et la framboise.
Le discret chèvrefeuille embaume les matins,
La frêle campanule a des airs de bourgeoise,
Le rosier souverain exhale ses parfums.

Combien me reste-t-il d'automnes à subir
Quand septembre apparaît nous tenant ses promesses?
Les jardins, les vergers dispensent leurs richesses
Et l'ouest orageux nous frappe sans faiblir.
L'aronde se rassemble et la maison frissonne,
Notre parterre accueille un dernier papillon;
Quand tout devient muet, la nature s'étonne
Et le merle craintif se cache en son buisson.

Combien me reste-t-il d'hivers à redouter
Quand l'aquilon fougueux nous couvre de nuages?
Les oiseaux migrateurs quittent leurs pâturages,
Les bois tout effeuillés semblent se lamenter;
Les champs sont dépeuplés, la nature déserte,
Tout n'est plus que silence engourdi de frimas,
Plus un cri, plus un chant, toute chose est inerte,
Seul, le vent mugissant sévit avec fracas.

Puissent d'autres saisons m'accorder un répit,
J'aime où je vis heureux, j'admire la nature,
J'écoute les oiseaux, j'aime ce qui fleurit,
Mais, quand le temps viendra de l'ultime écorchure,
Fasse que le soleil qui toujours me sourit
Se penchera vers moi pour panser ma blessure.

~ Jacques-Maurice Sutherland

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La romancière américaine Susan Ertz disait : «Des millions de gens recherchent l’immortalité alors qu’ils ne savent même pas quoi faire par un dimanche après-midi pluvieux.» Je pense qu'il y a une grande vérité dans cette phrase : en fait, c'est la peur de la mort plutôt que l'amour de la vie qui souvent nous motive. Si les gens se plaignent de manquer de temps, pourquoi regardent-ils tant la télé? Lorsqu’on observe les comportements des gens, on remarque que leur problème ce n’est pas le manque de temps. Au contraire, ils semblent trouver la vie tellement longue qu’ils gaspillent leur temps – tellement d'heures! Et, en réalité, être conscient du fait que notre temps est limité, est ce qui nous permet d'apprécier le temps que nous avons.

Il y a une sorte de conspiration du silence autour de la mort... Socialement, nous n'aimons pas parler de la mort. Je pense que nous devons en parler car c’est seulement en parlant de notre mortalité que nous pouvons comprendre et réévaluer notre façon de vivre.

~ Stephen Cave; Immortality

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Exister, c’est avoir une forme mortelle, des conditions mortelles, c’est lutter, évoluer. Le Paradis, comme dans le rêve des bouddhistes, est un Nirvana où il n’y a plus de personnalité et donc plus de conflit. C'est l'expression du désir de l'homme de triompher de la réalité, du devenir. L’artiste rêve d'impossibles miracles, simplement parce qu’il est incapable de s'adapter à la réalité. Il crée, par conséquent, une réalité qui est la sienne...
[…]

Ce n'est pas parce qu'il [l’artiste] est incapable de vivre. Au contraire, sa joie de vivre est si puissante, si vorace, qu'elle l'oblige à se suicider encore et encore. Il meurt plusieurs fois afin de vivre d’innombrables vies.

Échapper à la mort c’est échapper à la vie. … Voilà l'arc-en-ciel – le pont que jette l'artiste au-dessus de l’ennuyeuse réalité. … De par son art, il établit l’irréel triomphe – car ce n'est ni un triomphe sur la vie, ni un triomphe sur la mort. C'est un triomphe sur un monde imaginaire qu’il a lui-même créé. Le drame se joue entièrement dans le domaine de l'idée. Sa guerre avec la réalité est le reflet de sa guerre intérieure.
[…]

Afin d'accomplir son dessein, cependant, l'artiste est obligé de se retirer, de se retirer de la vie, avec juste assez d'expérience pour exposer la saveur de la vraie lutte. S'il choisit de vivre, il va à l’encontre de sa propre nature. Il doit vivre par procuration. Ainsi peut-il jouer le rôle monstrueux de vivre et de mourir d'innombrables fois, selon sa capacité de vivre.

~ Henry Miller; The Wisdom of the Heart, Creative Death

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Pour celui qui ne cherche ni la bonne réputation dans la vie ni gloire après sa mort, la durée de son existence importe peu. Contentez-vous de vivre et d’y trouver plaisir.
~ Lie Tseu

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