«Parce qu’on ne ressent que très peu les effets des changements climatiques, un nombre de plus en plus important de gens croient que toute cette histoire, pourtant 1000 fois expliquée et prouvée, est une arnaque. Nous ne vivons pas dans nos quartiers et villages des tremblements de terre, des ouragans et des inondations chaque année! L’ennemi avance lentement, mais sûrement. Il ronge le rocher, il monte de quelques millimètres par année, il repousse de plus en plus les limites, il avance doucement. Il avance… rapidement dans les faits. [...]
~ Gérald Filion, Blogue économique, ICI Radio-Canada
Article intégral :
http://blogues.radio-canada.ca/geraldfillion/2015/12/07/climat-environnement-approche-radicale/
Marguerite Yourcenar n’était pas une scientifique, mais elle avait «les yeux ouverts». Son discours sobre, limpide et réaliste est facile à comprendre. De toute façon, quand on étudie l’histoire, on voit sans peine que l’humanité n’apprend rien des erreurs du passé.
Extrait d'une série d'entrevues données en 1981 (mis en ligne en 2009).
L’écologie 3.3 (à voir aussi : L’écologie 1.3 et 2.3)
Yourcenar n’était pas pessimiste, elle était lucide; tout ce qu’elle décrit, nous l’avons sous le nez maintenant, démultiplié. Voici quelques extraits du livre «Les yeux ouverts» de Matthieu Galey. Ne manquez pas le passage sur les élections à la fin, combien pertinent quand on pense à Donald Trump, entre autres.
(Préface, p. 7)
– Dans un monde plein de clivages naïfs ou navrants – entre la droite et la gauche, par exemple – tous les chauvinismes sont nocifs, y compris le féminisme. Ne valent que les solutions individuelles. Et seuls importent ceux qui disent non. Non aux centrales nucléaires et aux barrages qui massacrent le milieu naturel, non au culte aveugle du profit dans une civilisation où ‘avoir a pris le pas sur être’, non à la pollution qui détruit la faune, la flore, les œuvres d’art, et même non à Concorde, s’il le faut. On ne doit jamais renoncer à convaincre les masses : quand les utopistes commencent à devenir la mauvaise conscience des gouvernements, le pari est à moitié gagné.
(P. 271-272)
– C’est le principe de la démocratie que vous condamnez.
– Je condamne l’ignorance qui règne en ce moment dans les démocraties aussi bien que dans les régimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu’on la dirait voulue par le système, sinon par le régime. J’ai souvent réfléchi à ce que pourrait être l’éducation de l’enfant. Je pense qu’il faudrait des études de base, très simples, où l’enfant apprendrait qu’il existe au sein de l’univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu’il dépend de l’air, de l’eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur où la moindre violence risque de tout détruire. Il apprendrait que les hommes se sont entre-tués dans des guerres qui n’ont jamais fait que produire d’autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongèrement, de façon à flatter son orgueil. On lui apprendrait assez du passé pour qu’il se sente relié aux hommes qui l’ont précédé́, pour qu’il les admire là où ils méritent de l’être, sans s’en faire des idoles, non plus que du présent ou d’un hypothétique avenir. On essaierait de le familiariser à la fois avec les livres et les choses; il saurait le nom des plantes, il connaîtrait les animaux sans se livrer aux hideuses vivisections imposées aux enfants et aux très jeunes adolescents sous prétexte de biologie; il apprendrait à donner les premiers soins aux blessés; son éducation sexuelle comprendrait la présence à un accouchement, son éducation mentale la vue des grands malades et des morts. On lui donnerait aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en société est impossible, instruction que les écoles élémentaires et moyennes n’osent plus donner dans ce pays. En matière de religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde, et surtout de celles du pays où il se trouve, pour éveiller en lui le respect et détruire d’avance certains odieux préjugés. On lui apprendrait à aimer le travail quand le travail est utile, et à ne pas se laisser prendre à l’imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui vante des friandises plus ou moins frelatées, en lui préparant des caries et des diabètes futurs. Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses véritablement importantes plus tôt qu’on ne le fait.
(P. 293-294)
– Parmi les grands problèmes qui vous intéressent, il semble que l’écologie soit une de vos préoccupations principales.
– [...] Et, assurément, la réalité est plus sombre encore que n'osait la prévoir le savant [F. Schrader] qui formulait en 1911 ces conclusions, dont les technocrates et les promoteurs de l'époque ont dû sourire. Il ne pouvait imaginer ni les pluies acides, ni la pollution des rivières et des mers par le mercure et les autres déchets de l'industrie chimique et atomique, ou par l'élévation artificielle de la température de l'eau due aux usines riveraines. Il n'avait pas prévu que plus de deux mille espèces animales seraient exterminées avant la fin du siècle; il ne savait encore rien de l'usage des herbicides, ni des sournois dépotoirs atomiques, cachés dans des endroits écartés, quand ce n'est pas aux abords des villes, ou transportés secrètement à prix d'or pour continuer leur cycle millénaire de nuisance dans le sous-sol des continents pauvres. Il n'eût même pas été capable d'imaginer le désastre de nos marées noires, fruit de l'incurie et de l'avidité, car une construction plus solide et plus rationnelle des pétroliers obligerait à en éliminer la plupart. Il ne pouvait pas prévoir non plus la destruction de la stratosphère, la raréfaction de l'oxygène et de l'ozone, la calotte thermique obscurcissant la lumière solaire et élevant artificiellement la température au ras du sol.
On voit du moins qu'il en savait assez pour signaler le chemin pris par nos apprentis sorciers et par nos marchands du Temple, qui de nos jours n'encombrent plus seulement les abords des sanctuaires mais la terre entière. Ce qu'il disait, avec quelques autres (Albert Schweitzer, un peu plus tard, en Afrique, était alerté lui aussi par les trop soudains changements de climat), nous le crions aujourd'hui.
(P. 296-300)
– À quelle époque est apparue cette démesure?
– Elle a grandi avec l’homme. Partout ou il a eu la chance de s’y livrer, il l’a fait, même s’il a eu parfois mauvaise conscience [...] Et sous l’Empire romain les grands trusts financiers ont commis des ravages comparables à ceux qu’on a vus au XIXe siècle, et de notre temps, en forçant les paysans à quitter leurs fermes pour les remplacer par de grandes exploitations.
– En somme, une émigration rurale déjà très semblable à la nôtre?
– Oui. Les gens refluaient sur la ville, et il s’est créé un prolétariat urbain. [...] Quant à Rome, elle a eu ses crises de chômage, sa prise en charge de populations oisives ou semi-oisives par l’État, ses moratoires, ses manipulations monétaires, et on peut dire qu’elle est morte de l’épuisement de ses finances et de ses terres autant que des invasions barbares ou des infiltrations du christianisme, sur lesquelles on a trop insisté. Elle est morte comme meurent les États modernes. Il suffit de se promener dans les ruines d’Ostie, l’ancien port de Rome, sorte d’antique banlieue riche, au bord de la mer, pour constater que dans ces belles maisons, pourvues de canalisations destinées à l’alimentation en eau courante des bains, des jardins, des fontaines, on avait fini par creuser au beau milieu du patio des puits ou des citernes, parce que les municipalités appauvries ne réparaient plus les tuyauteries ni les aqueducs d’autrefois. Dans les circonstances difficiles, on repart au ras du sol.
– Pensez-vous qu’une évolution semblable nous guette?
– Il suffit de très peu. Voyez comme nous dépendons du mazout, de l’électricité. Il suffirait que s’aggrave encore la crise du pétrole, que des centrales soient détruites par une catastrophe nucléaire ou chimique dont les prémices sont visibles un peu partout – Love Canal, Three Miles Island, Port-Elizabeth, dans le New Jersey – ou que se déchaîne un ouragan à peine plus fort que ceux qui assiègent tous les automnes ces côtes surbâties et surpeuplées, au niveau de la mer. Sans parler des hivers exceptionnellement froids, bloquant les routes, et sans mentionner la guerre, dont nous ne savons que trop qu’elle éclatera un jour. Ici, par exemple, pour dépendre le moins possible des combustibles industriels, tout le monde est en train de se reconvertir au bois.
– À condition qu’il y ait assez de bois.
– Nouveau problème, qui se réduit comme tous les autres à celui de la surpopulation et de la surconsommation. Il faudra chauffer moins, diminuer la hauteur des plafonds, la taille des pièces, revenir aux petites maisons modestes d’autrefois.
– Pour vous, le grand péché du présent, c’est le gaspillage?
– Songez que nous perdons chaque jour, dans le monde, des centaines d’hectares de terre arable. Les régions désertiques augmentent chaque année dans tous les continents. Cela tient à la croissance démesurée des villes, à une culture trop intensive, à des méthodes artificielles qui ruinent la terre et l’épuisent, au trop grand nombre de bétail qui détruit l’herbe, à l’abus de l’eau. Voyez la Sardaigne, par exemple. Les promoteurs se sont emparés de cette île, ils y ont construit des villas ou des immeubles de luxe, avec salles de bains, piscines, etc., et la Sardaigne n’a plus assez d’eau; elle ne peut pas supporter une telle consommation. Il y avait certainement d’autres moyens de remédier à la pauvreté du pays.
Photo : «Favela de luxe», Sardaigne
– À la clé de tout cela, il y a la surpopulation, autre mal.
– Le pire de tous. L’équilibre ne sera possible que si l’on détruit ces cités artificiellement peuplées et ces monstrueux développements côtiers qui engendrent une forme d’avilissement et de déséquilibre dont la nature même est nouvelle pour nous. Il n’y a pas seulement pour l’humanité la menace de disparaître sur une planète morte, il faut aussi que chaque homme, pour vivre humainement, ait l’air nécessaire, une surface viable, une éducation, un certain sens de son utilité. Il lui faut au moins une miette de dignité et quelques simples bonheurs. Créer des terrains vagues où grouillent des millions d’enfants abandonnés, c’est déshonorer l’espèce.
Photo : Favela Rocinha, Rio de Janeiro, Brésil. Juxtaposée à de luxueux complexes résidentiels, cette favela est la plus grande d’Amérique du Sud : quelque 200 000 habitants.
– C’est la conséquence inévitable de l’évolution.
– Dans ce cas, elle jouerait pour la pensée moderne le rôle de «la volonté de Dieu» chez les croyants les plus obtus! Mais laissons ces abstractions, qui sont à notre époque une des formes favorites de l’imposture, et regardons à nu la cupidité d’une part, la crédulité et l’ignorance de l’autre, qui ont construit ce monde où l’air, l’eau, la terre, les aliments, le silence même, sont pollués; où les gadgets remplacent les réalités; où les tensions et les frustrations causées par une démographie incontrôlée préparent les guerres «absolues» de l’avenir... Trop nombreux dans un sac de farine, les charançons s’entre-dévorent.
[Que faire?]
– Lutter contre les constructions inadéquates ou malsaines, tâcher d’élever le niveau de vie [...], renoncer peut-être à certains luxes pour rester plus près de ses fermiers et de ses ouvriers agricoles.
– L’action individuelle paraît un peu dérisoire, quand c’est une société tout entière qui prend la mauvaise voie.
– Tout part de l’homme. C’est toujours un homme seul qui fait tout, qui commence tout : Durand et Florence Nightingale pour la fondation de la Croix-Rouge, Rachel Carson pour la lutte contre les pesticides, Margaret Sangers pour le planning familial. [...] Il faudrait que l’homme participât sympathiquement au sort des autres hommes; bien plus, de tous les autres êtres.
(P. 310-311)
– Avez-vous déjà voté en France?
– Non, du fait que je n’ai jamais vécu de façon fixe en France, depuis mon adolescence. Ici, je vote, tout en me disant que, ce faisant, je prends souvent parti sur des problèmes biaisés et des hommes dont je ne puis juger la valeur. Les Démocrates et les Républicains se passent ici leurs opinions de pères en fils, si bien qu’on a parfois l’impression qu’il s’agit de deux clans plutôt que de deux partis, et les indépendants les meilleurs et les plus intelligents n’ont jamais pu se faufiler entre ces blocs. Les deux partis ont tellement changé au cours d’un siècle qu’on ne peut plus guère parler d’un programme opposé à un programme; en principe tout au moins, les Démocrates sont un peu plus libéraux que les Républicains, qui tendent à faire la politique des grands trusts. En pratique, comme toujours, tout dépend des fils qui animent bon gré mal gré les pantins politiques. Un peu de bon, un peu de bien, un peu d’utile se fait quand même dans cette immense pagaille. Les foules vite agitées par un incident quelconque (le Vietnam, le Watergate, le drame des otages en Iran, par exemple) retombent bientôt dans leur inertie ou dans le petit souci de ses affaires à soi. Les fanatismes plus ou moins masqués, plus ou moins larvés, n’attendent que leur moment pour reparaître tout armés (je pense par exemple à l’évidente recrudescence des activités du «Klan»); les intérêts particuliers se font passer pour des intérêts publics. Le coût des élections et des réélections est tel que toute démocratie de ce type est en fait une ploutocratie. La corruption est presque un sine qua non de la politique. Mais de quel pays parlais-je? Des États-Unis? Ou d’une autre démocratie, peu importe laquelle, ou peut-être de la Rome au temps de Marius et de Sylla?
Marguerite Yourcenar
Les yeux ouverts
Entretiens avec Matthieu Galey
Éditions du Centurion, 1980
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This is simply reality:
With globalization and its new communication tools, we have all been thrown together brutally, helter-skelter, in a worldwide, multinational-economy-mishmash, with no regard for history, culture, faiths or national idiosyncrasy, like having several different, large families, who don't even speak the same language, shut up together in the same small flat, sharing, bedrooms, kitchen... and bathroom. And somehow we are going to have to learn to live like this together in peace and harmony or else.
~ David Seaton http://seaton-newslinks.blogspot.ca/
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Or else ...???
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