Certaines personnes passent en coup de vent dans notre vie. Mais parfois, ces relations sont plus intenses et marquantes que plusieurs autres qui s’étiolent et meurent d’ennui comme des vieillards dans un mouroir.
Longévité n’est pas toujours synonyme de qualité.
L’important n’est peut-être pas tant de vivre longtemps que de bien vivre.
Bref, il y a plusieurs années, mon conjoint et moi avions rencontré par hasard une jeune femme et son frère. Ce dernier était vraiment doué en poésie - un potentiel de grand poète à mon avis. Si bien que nous les avions invités à la maison pour une lecture. Nous nous sommes perdus de vue peu après, mais j’ai conservé la carte postale et quelques poèmes qu’il avait envoyés. J’espère qu’il a continué d’écrire… car avec le tourbillon de la vie, on oublie facilement, hélas, pourquoi on a choisi de porter un masque de chair.

Prière à la vie 
Vois mon âme Grande Mère. 
Elle a construit avec ses sœurs, les premières 
Montagnes, les premiers Univers. 
Vois mon âme Grande Mère. 
Elle a jailli avec les premiers feux. 
Elle a suivi les laves des centres jusqu’aux cieux. 
Vois mon âme Grande Mère. 
Elle a touché les premières montagnes et 
Voici des milliers d’années qu’elle se berce entre tes bras. 
À mes sœurs et frères 
Que contemple la lumière 
Camirand 
*** 
J’aurais voulu t’offrir un mot 
à l’odeur des draps frais séchés au vent 
sous les érables. 
J’aurais voulu le déposer en ta 
bouche comme une cuillère de miel. 
Mais ce mot n’existe peut-être pas… 
J’aurais voulu qu’il glisse sur tes cheveux 
qu’il les mêle un peu. Qu’il ralentisse 
à ton oreille, qu’il dessine ensuite ton cou 
et meurt entre tes épaules. 
Mais ce mot n’existe peut-être pas… 
J’aurais voulu qu’il rassemble les saisons, 
que tu les refasses à ta façon. Que tu prennes 
un bout d’été au fond de tes yeux, que tu le déposes 
fin janvier ou au milieu. 
Mais ce mot n’existe peut-être pas… 
J’aurais voulu ce texte en un simple mot, 
mais seule la poésie me permet de l’approcher 
un peu. Car il ne peut s’écrire et ne peut s’épeler 
non plus. 
Car ce mot n’existe pas… 
Camirand
*** 
Jonny 
Il était tard. 
Y faisait frette. 
C’est arrivé près d’une gare. 
C’est là que gisent ses restes. 
Jonny qui s’appelait, 
pis y le criait ben fort, 
pareil comme si y aurait pas plus grand fait 
que son nom, même à sa mort. 
Y nous disait avoir un bon job. 
Y nous disait que c’était à l’université. 
2e étage, 2e couloir à gauche, après ceux à grandes robes, 
avec de beaux chapeaux à rubans parcheminés. 
C’qui parlait pas par exemple, 
c’était de ce qui faisait là-bas. 
Autant forcer les portes d’un temple, 
que de percer ce qui pensait tout-bas. 
Moi, je l’ai pas vu souvent, 
pis quand c’est arrivé, c’était jamais longtemps. 
Y avait l’air aussi sauvage, 
qu’un vieil avare face à son héritage. 
J’avais toujours eu un doute. 
Jonny était toujours fatigué, 
Toujours une excuse au boutte 
Pour nous dire qu’à soir c’était trop, y était resté. 
Mais nous autres on voyait ben 
que ses plaies ne guérissaient jamais. 
Mal aux pattes, à tête, aux reins, 
tout ça c’était bizarre qu’on trouvait. 
D’habitude, un chien bien nourri, 
ça pète le feu, ça s’amuse. 
Mais y’a jamais fait ça, à peine si y a souri 
quand son chum, Ti-Clèbe, imita la cornemuse. 
On a compris trop tard, 
on n'a pas pu l’aider. 
Y était comme déjà mort, 
le jour où on s’est rendus jusqu’à l’université. 
Son shift était déjà fini supposé, 
pis Jonny faisait jamais de temps supplémentaire. 
Fa que le seul jour où y’a pas respecté son horaire, 
Ça pas pris de temps qu’on s’est inquiété. 
2e étage, 2e couloir à gauche… juste après les grandes robes, 
on est entré, pour trouver d’autres robes. 
Mais blanches, devant toute une série de cages. 
Y’étaient vides, y restait juste Jonny, un peu trop sage. 
Y’était là, tout seul à soir. 
Avec des électrodes branchées 
dans les spots que les robes avaient rasés. 
Jonny était chien de laboratoire. 
Camirand 
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